NPA. Anticapitalistes, unitaires et indépendants (tribune de C Poupin et F Sabado parue sur Mediapart)
Sarkozy
a été battu. Ce résultat nous soulage et nous réjouit.
Nous
devons analyser le rapport de force qu'il traduit et la situation
qu'il ouvre.
Comme
dans le reste de l’Europe, « les sortants ont été
sortis ». La
social-démocratie, grecque, espagnole et portugaise, a été
balayée. Ici, la droite autoritaire est chassée. La crise
déstabilise toute la représentation politique. La mise en œuvre de
politiques d’austérité brutales ruine l’adhésion et la
confiance de la population vis-à-vis des partis au pouvoir, qu’ils
soient de droite, comme l’UMP en France, ou de gauche, comme les
partis sociaux démocrates, en Espagne, Portugal ou en Grèce.
A
l'occasion de cette élection, la gauche a connu une légère
progression, mais le rapport de force droite-gauche du 1er
tour de la présidentielle reste largement favorable à la droite (56
% /44 %). La victoire de Hollande
est due à l'échec de Sarkozy plus qu'à sa dynamique propre. Plus,
le Front national de Marine Le Pen a connu une poussée sans
précédent. La vie politique est désormais surdéterminée par le
poids de l’extrême droite. L’UMP risque l’implosion, tiraillée
entre un secteur, polarisé par le parti lepeniste, et d’autres
secteurs de la droite traditionnelle, qui refusent la dérive
populiste ou fasciste.
A
la différence des élections de 1981 ou 1988, ce président de
gauche a été élu sans poussée massive des votes de gauche. Il
arrive au pouvoir à la faveur de la division des droites. Division
confortée par l’appel de François Bayrou à voter Hollande.
Au
lendemain de ces élections, c’est la crise mondiale et
spécifiquement européenne qui va dominer la situation économique,
sociale et politique. Les agences de notation ont annoncé la
couleur : il faudra encore réduire les budgets sociaux,
démanteler les services publics. L’Union Européenne exige la
« Règle d’or », en intégrant l’interdiction de tout
déficit public dans la Constitution. Nous connaissons déjà les
résultats de cette politique : l’Europe s’enfonce dans la
récession, avec plus de chômage, moins de pouvoir d’achat,
toujours moins de services publics.
A
l’inverse de toutes ces politiques, nous proposons de mettre au
cœur du débat public un plan de mesures d’urgence anticrise. Ce
bouclier social pour les classes populaires comportera une
augmentation de salaire pour tous de 300 euros net, un salaire
minimum de 1700 euros, la création de centaines de milliers
d’emplois publics, l’interdiction des licenciements, la réduction
du temps de travail hebdomadaire à 32 heures pour combattre le
chômage.
François
Hollande a dénoncé pendant sa campagne un ennemi sans visage :
la finance. Comment résistera-t-il à la pression des marchés
financiers sans s’attaquer aux banques et aux banquiers ?
Comment réduire la pression de la dette et de la spéculation en
laissant fonctionner le secteur bancaire selon les règles
néo-libérales ? Sans expropriation des banques et sans leur
nationalisation sous contrôle social, aucun gouvernement ne
disposera des moyens pour financer une politique répondant aux
besoins sociaux. Pour donner la priorité aux services publics il
faut s’attaquer à la dette : organiser un audit public pour
l’annulation de la dette illégitime et de ses intérêts. Une
nouvelle politique fiscale, supprimant les cadeaux aux grandes
fortunes et taxant les plus riches et les profits capitalistes, sera
au centre de nos propositions. Mais la profondeur de la crise, son
caractère global, exige non seulement de résister à l’austérité,
mais de réorienter l’économie selon des besoins sociaux et
écologiques, de sortir du nucléaire, de réorganiser les secteurs
de l’énergie et des transports, de l’habitat, dans de vastes
secteurs publics qui échappent à la logique du profit capitaliste.
Loin
de prendre des décisions radicales contre la crise, Hollande
s’inscrit dans les grandes orientations de l’Union Européenne,
en voulant « donner du sens à la rigueur », c'est-à-dire
en reprenant une politique d’austérité. « Hollandréou »,
cette formule illustre bien les risques d’une évolution de la
situation à la grecque. Et le soutien à François Hollande de
Bayrou, farouche partisan de la « Règle d’or », pour
déployer une politique d’union nationale n’est pas de bon
augure. Face aux diktats de l’Union européenne, une première
tâche s’impose : rejeter le nouveau pacte européen et, pour
cela, convoquer un référendum où, une nouvelle fois, le peuple
souverain dira NON à cette Europe néo-libérale.
Austérité
de droite ou austérité de gauche ? Nos dirigeants n'envisagent
pas d’autre alternative. Et c’est d’autant plus inquiétant que
le Front national guette. Marine Le Pen l’a déjà annoncé :
elle veut être l’opposition de droite. L’enjeu pour son parti ?
Créer les conditions en 2017, ou même avant, pour une confrontation
droite-extrême droite / gauche, où le parti lepéniste emporterait
la mise. En effet, rien ne dit qu’un gouvernement Hollande tiendra
face à une accélération de la crise. C’est dans ce cadre que
s’engage une course de vitesse qui accentuera la polarisation entre
le Front National et la gauche radicale et anticapitaliste.
Course de vitesse résumée par la situation ouverte par le résultat
des élections en Grèce avec
d'un côté les bons résultats de la gauche radicale, dont SYRYZA
particulièrement, et de l'autre, la mauvaise nouvelle, l'entrée des
nazis au parlement...
Nous
ne pouvons laisser le drapeau de l’opposition à Marine Le Pen.
Nous proposons d’engager la construction d’un large
mouvement unitaire de la gauche sociale et politique contre le Front
national.
Nous
avons avancé durant la campagne la perspective d’une opposition de
gauche unitaire à un gouvernement qui appliquerait une politique
d’austérité de gauche. Non par impatience mais par analyse de la
politique sociale libérale en France et en Europe, et nécessité de
défendre les intérêts de la majorité de la population.
Nous
proposons, que se rassemblent dans les entreprises, les quartiers,
les travailleurs, les jeunes et leurs organisations pour exiger « le
changement, maintenant !», créer les conditions d’une
mobilisation pour arracher des augmentations de salaires, bloquer
les licenciements, obtenir la titularisation des précaires dans le
secteur public, imposer la retraite à 60 ans. Nul doute que
s’engager dans la satisfaction de ces revendications conduira à
la confrontation avec les marchés financiers et les grands groupes
bancaires.
Ces
premières propositions s’opposent à toute politique d’austérité
et à la rigueur « sauce hollandaise ». Voilà
pourquoi on ne saurait à la fois défendre ces mesures d’urgence
et soutenir
de près ou de loin un gouvernement Hollande. Les dirigeants du Front
de gauche décideront de leur participation au gouvernement
après les élections législatives. A cette étape, il semble qu’ils
écartent une participation directe et envisagent un « soutien
sans participation », vieille formule du passé déjà utilisée
par le PCF. Lors des prochaines élections législatives, il faudra
battre une nouvelle fois la droite et l’extrême droite, mais la
seule politique claire, c’est de refuser, toute austérité qu’elle
soit de droite ou de gauche. Il faudra une opposition de gauche au
gouvernement. Le NPA y est prêt. Et les dirigeants du Front de
gauche ?
Nous
sommes à la croisée des chemins.
La
crise du système est globale, économique bien sur mais aussi
écologique et politique. Elle marque aussi un basculement du monde.
Dans ces conditions, l'outil politique à construire ne peut faire
l'impasse ni sur la question du productivisme, ni sur la question de
l'internationalisme, ni sur celle de la démocratie réelle et de
l'auto-organisation.
Pour
affronter la crise, les appels à la « république », les
dénonciations de la « finance », les combinaisons
institutionnelles avec le social-libéralisme ne feront pas le
poids. Dans une conjoncture électorale marquée par des défaites
sociales, le discours du Front de gauche a pu convaincre des millions
d’électeurs. Pourtant, nous pensons que ni la direction du PCF ni
la rhétorique de Mélenchon ne seront à la hauteur des défis de la
crise. Les projets réformistes, même de gauche, peuvent dans un
premier temps rassembler les premières résistances à la crise. Il
s’agit maintenant de préparer la confrontation avec les
capitalistes et de rejeter l’austérité de gauche du gouvernement.
L’objectif, nous ne le cachons pas : préparer un nouveau
mai 68 ou un nouveau juin 36 qui impose une transformation
radicale de la société. Nous sommes prêts à marcher ensemble avec
le Front de gauche et tous ceux qui s’opposeront aux politiques
d’austérité, à discuter des modalités d’un bloc
anti-austérité, anti Front National, d’un bloc qui soit
l’opposition de gauche au gouvernement Hollande. Mais
les chocs sociaux et politiques à
venir exigent, plus que jamais, l’indépendance des
anticapitalistes. Face aux incertitudes de la politique du Front de
gauche et à son orientation « un pied de dedans, un pied
dehors » vis-à-vis de la nouvelle majorité, nous proposons
que se fédèrent sur des bases 100 % indépendantes du PS
toutes les forces et courants anticapitalistes, les forces qui ont
assuré la continuité et le fil historique du courant
révolutionnaire, les libertaires, les écologistes radicaux, les
militantEs du mouvement social et syndical...
Cela
suppose de construire un outil vraiment indépendant. C’est l’enjeu
d’un double défi pour le NPA : la relance
du regroupement des anticapitalistes et une politique unitaire
anticrise, en particulier avec le Front de gauche mais, bien au-delà,
avec tous ceux qui s’opposent aux politiques d’austérité.
François
Sabado, Christine Poupin - NPA
Nous ne pouvons laisser le drapeau de l’opposition à Marine Le Pen (Mediapart)
Nous ne pouvons laisser le drapeau de l’opposition à Marine Le Pen (Mediapart)