Peut-on chiffrer notre bouclier social en faveur des travailleurs ?

On peut donner des ordres de grandeur pour quelques mesures.

L’augmentation de 300 euros net :
• des salaires du privé : 76 milliards d’euros sur un an (3 600 euros x 21 millions de salariéEs).
• des salaires des fonctions publiques : 18 milliards.
• des retraites : 54 milliards.
• des minima sociaux et allocations chômage : 18 milliards.
Le recrutement de 100 000 personnels supplémentaires :

• pour l’Éducation nationale : 3 milliards d’euros (100 000 x 30 000 euros).
• dans les hôpitaux : 3 milliards d’euros.

La titularisation de 800 000 salariéEs précaires des fonctions publiques : 0 euro puisqu’ils sont déjà payés.
Soit 76 milliards pour les entreprises privées (à majorer des cotisations sociales), 96 milliards pour les fonctions publiques et les régimes spéciaux. De quoi faire se dresser les cheveux sur la tête, même à un M. Lenglet ? 

Pourtant, face à cela (l’équivalent de 8 % du PIB), on peut mettre des chiffres encore plus importants, issus des rapports officiels :

Du côté du privé : la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises est aujourd’hui inférieure de 8 points par rapport au début des années 1980. Ce transfert des revenus du travail vers les revenus du capital représente de 124 à 190 milliards d’euros pour une année. De plus, la part des dividendes dans le total des profits des entreprises (au détriment de l’investissement) représentait plus de 12 % de la masse salariale en 2009 contre 4 % au début des années 1980, soit un transfert de 40 milliards pour une année ! Largement de quoi financer une augmentation de 300 euros et le passage à un Smic à 1 700 euros dans les entreprises privées, et en plus créer des emplois. La moitié de cette somme suffirait !

Du côté du public : si l’impôt sur le revenu était rétabli à son taux et son barème de 2000, il rapporterait chaque année 15 milliards de plus à l’État. Si les niches fiscales créées depuis 2000 sur cet impôt étaient supprimées, il y aurait encore 38 milliards supplémentaires. Les exonérations de cotisations sociales patronales sont évaluées par M. Lenglet à 30 milliards. Enfin, le paiement des intérêts de la dette publique représente 48 milliards cette année.

Si on revenait sur ces gigantesques transferts de richesses, environ 15 % du PIB, organisés au profit des capitalistes, il y aurait de quoi financer un bouclier social et investir pour transformer profondément l’économie et la société. 

Les défenseurs du capitalisme prétendent qu’une telle inversion dans le partage des richesses ruinerait l’économie. Au contraire : leur politique a conduit à une croissance productrice de chômeurs, de pauvreté, destructrice de notre milieu naturel, puis à la crise actuelle. L’État dépense des sommes folles pour « assister » le patronat, qui ne s’en sert pas pour moderniser, investir, embaucher, mais pour accumuler des fortunes privées scandaleuses et spéculer. Les intérêts des capitalistes coûtent cher à la société.

Mais il ne peut suffire de repartager les richesses que nous produisons et qu’ils confisquent. Pour que cela puisse marcher, il faut aussi remettre en cause la toute-puissance des capitalistes sur l’économie, et la réorganiser sur de toutes autres bases.

Mais là M. Lenglet n’entendait plus les explications de Philippe… Trop compliqué pour l’expert !

Yann Cézard